« `html
Le week-end dernier, les passionnés de calcio ont dû ruser pour suivre la victoire éclatante du Napoli sur le terrain du Hellas (0-3), le premier but d’Alváro Morata avec le Milan face au Torino (2-2), la performance impressionnante de l’Atalanta contre Lecce (4-0) et le premier succès de Thiago Motta à la tête de la Juve (3-0). En effet, la première journée de la Serie A n’a pas été diffusée en France, et cette absence pourrait se prolonger pour la deuxième journée.
Depuis 2012, beIN Sports détient les droits de diffusion du championnat italien, mais n’a pas réussi à trouver un accord avec la Lega Serie A. Cela a ouvert la voie à DAZN, déjà diffuseur de la Serie A en Italie, qui a manifesté son intérêt. « Nous diffusons 100 % des matches de Serie A en Italie. J’espère que DAZN deviendra le diffuseur principal de la Serie A à l’international, y compris en France », a déclaré Shay Segev, PDG de DAZN, dans une interview récente accordée à L’Équipe. Actuellement, le championnat italien est donc invisible en France, et la situation semble stagnante. Pourtant, les clubs italiens ont montré des signes de renouveau ces dernières années, comme en témoigne le parcours de l’Atalanta en Ligue Europa, la finale de la Ligue des champions perdue par l’Inter en 2023, ou le titre de la Roma en Ligue Conférence il y a deux ans. Cela ne semble pas suffisant pour attirer l’attention.
Entre avidité et économie
En 2021, la Serie A avait déjà connu une situation similaire. À l’approche de la reprise du championnat, les discussions entre beIN Sports et la Lega Serie A piétinaient, avant qu’un accord de dernière minute ne soit trouvé pour un contrat de diffusion de trois ans (2021-2024). Alors qu’un accord avait été conclu trois ans auparavant, les négociations pour un nouveau contrat n’ont pas abouti avant le début de la saison actuelle. C’est une véritable lutte d’influence : d’un côté, beIN Sports souhaite réduire le montant des droits de diffusion, tandis que la Lega Serie A veut maintenir les standards des précédents accords.
« L’attitude de beIN Sports n’est pas surprenante. Dans tous les pays où elle est présente, la chaîne cherche à réduire le coût des droits TV. DAZN, de son côté, vise toujours à acquérir ces droits au prix le plus bas possible », souligne Pierre Maes. Selon cet expert en droits TV et auteur de La ruine du foot français, la Lega Serie A prend des risques : « Son comportement est assez surprenant. Elle semble trop gourmande et manque de pragmatisme, contrairement aux Allemands et aux Espagnols, qui ont compris que le marché avait changé et qu’ils devaient revoir leurs exigences à la baisse. » Ni la Lega Serie A ni beIN Sports n’ont souhaité commenter la situation.
La Serie A accuse-t-elle un retard par rapport à la Bundesliga et à la Liga en matière d’audience ? Pierre Maes estime que cet argument selon lequel la Serie A rapporterait moins que ses homologues ne tient pas : « Je pense sincèrement qu’en termes d’audience et d’attractivité, ces trois championnats sont comparables. Cependant, la réalité est que ce sont des championnats considérés comme « agréables à avoir », mais qui ne sont pas essentiels pour les diffuseurs. » Les clubs italiens sont-ils trop exigeants ou les diffuseurs trop avares ? Une chose est certaine, les relations entre la Lega Serie A et beIN Sports se sont détériorées, et l’accord signé entre la Lega Serie A et l’Arabie saoudite concernant la Supercoupe d’Italie n’a pas amélioré la situation. Pendant ce temps, DAZN souhaite entrer dans la danse, mais selon nos sources, l’offre faite par le diffuseur britannique est jugée insuffisante par les dirigeants italiens. La situation est chaotique.
Un calcio sous-estimé
Si l’Italie n’a rien à envier à l’Allemagne ou à l’Espagne, pourquoi le public français semble-t-il si désintéressé ? Cela peut être attribué à des questions d’image et à des stéréotypes. « Brighton, c’est Reims », a déclaré Raymond Domenech récemment, visiblement peu enthousiaste à l’idée de voir Roberto De Zerbi à Marseille. L’ancien sélectionneur des Bleus, connu pour sa vision critique du football italien, n’est pas le seul à avoir un certain mépris pour le calcio. Cette tendance s’est intensifiée depuis la défaite de l’équipe de France en 2006 face à la Nazionale. En France, la Serie A est souvent perçue comme un championnat archaïque, ennuyeux, axé sur la défense et le vice. « Beaucoup continuent de voir le football italien de manière très rétrograde, mais cette vision est erronée et caricaturale. Ceux qui suivent la Serie A savent que cela ne correspond plus à la réalité », explique Ricardo Faty. Ce mépris, il l’a ressenti durant ses passages à la Roma : « En France, on ne s’intéressait pas vraiment à ce que je faisais à Rome, ou bien d’un regard déformé. J’avais l’impression de ne pas être pris au sérieux en jouant à la Roma. »
Bien que Ricky Friandise, comme l’appelle son ami Sébastien Bassong dans l’émission Ballons, Main, Corps !, ait pris sa retraite, il constate que ce manque de popularité persiste en France. « Beaucoup pensent que la Ligue 1 est au même niveau que la Serie A. Pourtant, il suffit de suivre les deux championnats pour réaliser l’énorme différence », affirme-t-il. Et avec les conflits entre diffuseurs, la situation ne risque pas de s’améliorer. « Le dernier exemple en date est l’Atalanta de Gasperini. On en a à peine parlé en France alors que c’est exceptionnel. En comparaison, le Bayer Leverkusen de Xabi Alonso a eu beaucoup plus d’écho. La Serie A n’est pas respectée à sa juste valeur en France, et cela se reflète dans la manière dont elle est couverte », s’indigne Faty, qui souligne également que les clubs italiens ont leur part de responsabilité : « La Serie A souffre aussi de ses infrastructures, ce qui n’arrange pas les choses. Avec des stades vieillissants, il est plus difficile d’attirer les gens et de susciter l’intérêt pour le championnat, contrairement à l’Allemagne, par exemple. » En d’autres termes, des efforts doivent être fournis des deux côtés, tant par la Ligue que par les diffuseurs, pour que chacun y trouve son compte, y compris les tifosi du football italien vivant en France.
Ligue 2 en semaine : « Les dindons de la farce, ce sont les supporters français »
Propos de Pierre Maes et Ricardo Faty recueillis par TP.
« `