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Mon parcours avec le football et le futsal
Tout a commencé avec le football. Enfant, je jouais dans la galerie Vivienne, située dans le 2e arrondissement de Paris, où ma mère travaillait comme concierge. J’ai également appris à jouer au Palais-Royal, un endroit magnifique, bien que le football y soit interdit. Nous organisions de grands matchs lorsque le gardien n’était pas là, tout en restant attentifs à son retour. Cela a vraiment développé ma vision du jeu. Mon père, passionné de football, a joué au Maroc et a participé à des compétitions en club et en entreprise en France, tout comme mes oncles. Le football a donc toujours été une partie intégrante de ma vie familiale. À l’école, je ne manquais jamais un match pendant les récréations. Mon premier club était le Stade Français, dans le 5e arrondissement. À l’âge de 13 ans, ma famille a déménagé à Villiers-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, où j’ai joué pour plusieurs clubs, notamment Villiers, Bry, Le Plessis et Le Perreux. Le futsal est arrivé plus tard, à la fin des années 1990. En tant qu’animateur dans une maison de quartier, nous avions accès à des créneaux dans un gymnase. Nous jouions avec une grosse balle en feutre jaune, qui pouvait être douloureuse si elle nous frappait. C’était une version de football de quartier, mais à l’intérieur, avec des cages.
Les motivations derrière la création du club C’Noues en 2001
À l’origine, C’Noues n’était pas destiné à devenir un club de football. L’objectif principal était de rassembler et de réconcilier des jeunes du quartier souvent en conflit. Il y avait des tensions entre différents groupes, et la violence était fréquente. Je souhaitais également aborder les inégalités sociales et soutenir les jeunes de diverses manières. Au début, nous avons organisé des sorties culturelles et des séjours de révision pour les lycéens. Nous étions des acteurs sociaux polyvalents.
Le portrait du quartier des Hautes-Noues
Les Hautes-Noues est un quartier de la banlieue parisienne marqué par un taux de chômage élevé et de nombreuses difficultés sociales. Malgré cela, il existe une forte solidarité entre les habitants, et les jeunes étaient très liés à la maison de quartier lorsqu’elle était gérée de manière associative. Pendant les vacances ou durant le ramadan, nous organisons presque chaque soir des matchs, attirant un public nombreux. Le football est au cœur de nos interactions, qu’il s’agisse de discussions, de disputes ou de moments de joie. Comme l’a si bien dit Gramsci, c’est un « royaume de la loyauté humaine exercée au grand air ». Le quartier, semblable à un petit village, est piéton et arboré, avec des terrains de jeu usés, mais qui nous conviennent parfaitement, même si cela peut parfois être difficile pour nos chevilles. Malheureusement, des décisions politiques ont affaibli l’éducation populaire et les liens communautaires. La municipalisation du centre social, la construction de nouvelles routes et l’annulation de la fête de la Saint-Jean ont altéré le caractère « village » de notre cité. L’histoire de C’Noues s’inscrit dans cette dynamique : comment reconstruire une cohésion sociale et un esprit communautaire.
La transition de l’association vers le futsal
Une autre association avait un créneau de futsal, mais peinait à gérer l’activité, ce qui entraînait des conflits parmi les jeunes des Hautes-Noues. Nous avons été sollicités pour intervenir, et c’est ainsi que tout a commencé. Les premières séances étaient tendues, mais notre but était de pacifier les relations et de recréer un sentiment d’unité. Le nom de notre association, C’Noues, évoque à la fois notre quartier et notre volonté de rassembler. Nous avons récupéré un créneau auprès de la mairie, stabilisé la situation et attiré de nombreux jeunes. Nous avons alors décidé d’organiser des tournois pour renforcer la cohésion. Bien que nous manquions de fonds, un entrepreneur local, la société DESA, a accepté de financer des maillots noir et blanc, inspirés de ceux de la Juventus. Peu à peu, nous avons constitué une équipe, puis deux, et nous avons commencé à devenir compétitifs, atteignant même le niveau R1, affrontant des équipes comme le Sporting de Paris et Garges, avec des joueurs tels que Ben Yedder.
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Conciliation entre études et gestion d’une association sportive
Comment parviens-tu à jongler entre tes études et la gestion de l’association ?
En 2001, alors que je poursuis mes études en licence, je travaille comme surveillant dans un lycée à Champigny, puis au collège des Prunais à Villiers-sur-Marne. Mes deux frères s’impliquent rapidement dans nos activités de futsal loisir. Chaque dimanche, des participants âgés de 13 à 50 ans se côtoient, ce qui favorise un esprit de communauté. De nombreux parents comptent sur notre engagement, et nous avons réussi à nous établir comme une référence locale. C’est gratifiant de voir cet engouement, surtout en étant le seul club du quartier. Nous avons l’opportunité de travailler avec des jeunes qui, parfois, peinent à gérer leurs émotions. À la ligue de Paris, notre club est parfois perçu comme celui des jeunes turbulents, mais en réalité, nous gérons bien la situation. Lorsque nous commençons à participer à des compétitions, l’enthousiasme grandit ! Nous avons même organisé un premier tournoi international en Espagne, permettant à beaucoup de jeunes de quitter la France pour la première fois, certains découvrant même la mer à plus de 20 ans. Ces moments partagés sont inestimables. Mes semaines sont chargées, mais je ne ressens pas de surcharge, car je suis entouré d’une équipe de bénévoles qui se répartissent les tâches.
Une fierté familiale et sportive
Le parcours de ton frère Abdessamad, meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France de futsal, doit avoir une signification particulière pour toi.
Effectivement, c’est plus qu’une simple fierté liée à Abdessamad. C’Noues a formé entre 10 et 15 joueurs qui ont atteint le niveau national. En plus de mon frère Yassine, un gardien talentueux et ancien international, nous avons également Yohann Philippeau, qui a joué en première division à Garges, ainsi que d’autres comme Vincent Marie, Vivien Pernes, et Jérôme Pasquier, le capitaine actuel de l’équipe de France U23. Nous avons même eu Hélène Fercocq, qui évolue en première division de football à 11 à Guingamp. Récemment, l’un de nos joueurs a été sélectionné pour représenter les Comores. C’est cette diversité de réussites qui me rend fier : au-delà de l’aspect social, C’Noues a su créer un véritable collectif et demeure une académie de futsal reconnue. Même si j’ai pris un autre chemin associatif, cet héritage perdure.
Un talent précoce et des sacrifices
Abdessamad a-t-il rapidement montré son potentiel ?
Nous avons dû attendre qu’il atteigne 16 ans pour le faire jouer en senior, mais nous aurions aimé le faire jouer plus tôt. Dès son jeune âge, il a démontré une grande intelligence de jeu. Ce n’était pas un dribbleur fou ou le plus rapide, mais il a rapidement compris les subtilités du déplacement sur le terrain. Il a su capter des éléments que moi-même, en tant qu’entraîneur, apprenais en même temps. Sa technique est impressionnante, et son pied gauche est particulièrement précis. Depuis son enfance, il a toujours eu un ballon aux pieds. Que ce soit pour aller chercher un stylo ou aller à la boulangerie, il se déplaçait en dribblant, même avec des adversaires imaginaires. Ce lien avec le ballon ne l’a jamais quitté. Lorsque la fédération a lancé le premier championnat national, nous avons rapidement perdu nos meilleurs éléments, dont Yassine et Abdessamad, qui ont été sollicités par Arcueil Vision Nova.
Les défis sur le chemin du succès
As-tu été témoin des difficultés qu’il a rencontrées pour atteindre son niveau actuel ?
Il a effectivement traversé des épreuves financières. Ce n’est que récemment qu’il a pu commencer à vivre décemment de son sport. Avant cela, il travaillait comme chauffeur de bus à la RATP, ce qui était épuisant et ne correspondait pas à un mode de vie adapté au haut niveau. Il a dû faire des sacrifices pour se concentrer sur sa carrière sportive, mais le modèle économique des clubs n’est pas toujours favorable. Il a souvent rencontré des retards de paiement, accumulant des dettes, et a dû faire preuve de débrouillardise. Avec sa famille, il a affronté ces tempêtes. Ses sacrifices étaient conscients, car il croit fermement au futsal. Les convocations régulières en équipe de France l’ont motivé. Cependant, il a également dû faire face à des blessures, dont certaines assez graves, en raison du manque de professionnalisme dans le suivi physique du futsal.
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Il a fallu du temps pour qu’il comprenne l’importance de l’alimentation et du sommeil. Cependant, ces dernières années, il a su intégrer ces éléments dans sa routine, faisant preuve d’une autodiscipline accrue, ce qui lui a permis de se blesser moins souvent et d’être plus compétitif.
As-tu ressenti une inquiétude face à son choix de quitter son emploi à la RATP ?
Abdessamad a toujours fait preuve de bon sens. Il est conscient de ses responsabilités et n’entreprend pas des actions imprudentes. Ses décisions sont motivées par sa conviction dans l’importance de la discipline. Il a suivi une formation et obtenu son diplôme d’entraîneur, se préparant ainsi pour l’avenir. Je n’ai jamais été particulièrement inquiet à son sujet. Dans notre famille, nous avons déjà surmonté des épreuves difficiles, tant individuellement que collectivement. Nous en discutions souvent, et il m’expliquait ses ambitions, que je trouvais raisonnables, même si je lui conseillais parfois de rester prudent. Chaque fois qu’il a pris des décisions, même celles qui n’ont pas abouti, il a toujours su en assumer les conséquences et a su rebondir. Aujourd’hui, cela porte ses fruits. Le chemin a été semé d’embûches, c’est vrai, mais c’est ainsi que la vie se déroule.
La famille a-t-elle toujours été derrière lui dans ses projets ?
Absolument, il savait qu’il pouvait compter sur notre soutien. Ma mère, parfois, était à bout de nerfs : « Futsal, futsal, futsal… J’en peux plus ! » Je la comprends. Nous sommes six frères et sœurs : j’ai été président et joueur, Yassine et Abdessamad ont également joué, et mes sœurs Souad et Majda ont un peu pratiqué aussi. Sur six enfants, cinq d’entre nous ont un intérêt marqué pour le futsal. Cela en dit long. Nos neveux et nièces partagent également cette passion, la plupart jouent en club. Plusieurs de nos cousins évoluent en R1. Toute la famille est derrière lui. Nous faisons souvent le déplacement à Laval (son club actuel, NDLR) pour les matchs importants. Nous sommes toujours le plus grand groupe familial lors des rencontres des Bleus.
Quelle est ta perception de l’équipe de France dans son ensemble ?
Le travail de Raphaël Reynaud, la cohésion du groupe, le projet de jeu et les progrès réalisés ces dernières années sont impressionnants. Ce groupe incarne une belle ambition. Indirectement, ces joueurs rendent hommage au football de quartier, et il est intéressant de noter leur parcours social. Je fais le lien entre le football de proximité et le futsal, et voir ce style de jeu reconnu à ce niveau me réjouit.
La semaine dernière, tu as écrit que « la banlieue (et la famille) fait briller la France ». Est-ce la leçon à tirer du parcours d’Abdessamad ?
Oui, je suis très fier qu’Abdessamad, tout comme Yassine avant lui, contribue à faire rayonner notre pays et notre banlieue. En observant les discours médiatiques et politiques, il est évident que la banlieue n’est pas souvent mise en avant. Pourtant, dans des domaines tels que le sport, l’art, la culture, l’intellect et l’entrepreneuriat, c’est un territoire riche en créativité et en dynamisme, qui contribue à l’éclat de la France. Je suis très fier que mes frères participent à cette dynamique.
Qui pourrait remplacer Kylian Mbappé chez les Bleus ?
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