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Une présence discrète mais essentielle. Ils semblent parfois invisibles, comme des figurants sur le terrain. Pourtant, leur rôle est crucial pour le bon déroulement d’un match. Ces acteurs de l’ombre, ce sont les arbitres assistants. Savez-vous qui ils sont ? Il est probable que peu de gens puissent citer un seul nom. En revanche, les arbitres centraux, eux, sont bien connus. Des figures comme François Letexier, Clément Turpin, Stéphanie Frappart, Benoît Bastien, Millot ou Éric Wattellier sont des noms familiers. Chaque week-end, ils sont sous les projecteurs, que ce soit pour des décisions controversées ou des choix applaudis. De plus en plus souvent, ils prennent la parole à l’antenne après les matchs pour expliquer leurs décisions.
En revanche, l’assistant n’a pas encore cette visibilité médiatique. Son rôle, bien que moins en vue, est tout aussi significatif. « Nous sommes principalement responsables du hors-jeu, notre attention est portée sur l’avant-dernier défenseur, » précise Brice Parinet, 36 ans, arbitre assistant en Ligue 1. « Je n’ai presque plus besoin de voir le départ du ballon pour juger du hors-jeu, c’est devenu instinctif. De plus, si je ne suis pas impliqué dans l’action, je surveille des zones que l’arbitre central ne peut pas voir, comme ce qui se passe dans son dos. C’est rare, mais cela arrive. » Ce jeu d’alignement est au cœur de sa mission, mais il peut aussi être source de stress. « J’ai connu la Ligue 1 avant et après l’introduction de la VAR, et la différence est marquante, » témoigne Nicolas Danos, un des assistants les plus aguerris en France. « Avant, nous devions souvent nous baser sur le score, et un but hors-jeu pouvait complètement changer le cours d’un match. Il arrivait que tous les spectateurs voient un hors-jeu que je n’avais pas remarqué. Les nuits étaient parfois difficiles. Avec la VAR, nous avons l’assurance que le résultat final sera juste. »
Un parcours vers l’assistance
Mais comment devient-on arbitre assistant ? Quel est le processus de transition ? Tous commencent généralement en tant qu’arbitres centraux. C’est souvent par opportunisme ou ambition qu’ils choisissent de passer de l’autre côté de la ligne. « J’ai débuté comme arbitre central et j’ai atteint le niveau National, » se remémore Ludovic Genest, un ancien joueur dont la carrière a été guidée par les conseils des regrettés Sébastien Desiage et Johan Hamel. « En 2022, j’ai été rétrogradé en N2. J’ai alors dû prendre une décision. J’avais plus de chances de rester dans le milieu professionnel en devenant assistant. » Il a donc abandonné le sifflet et les cartons pour le drapeau.
Un cheminement similaire a conduit Camille Soriano, qui officie régulièrement en Ligue 2 et a récemment été sélectionnée aux côtés de Stéphanie Frappart pour arbitrer un match entre la Slovaquie et le Pays de Galles lors des barrages de qualification pour l’Euro 2025. « Quand j’étais encore arbitre centrale en Première Ligue, on m’a proposé de devenir assistante au niveau international, » raconte-t-elle. « Je me suis alors demandé où je voulais vraiment exceller. En tant qu’assistante, il y avait beaucoup plus d’opportunités. La fédération a mis en place des passerelles avec un examen, et si je réussissais, je pouvais accéder au niveau National. C’est un niveau que je n’aurais jamais pu atteindre en tant qu’arbitre centrale. Au centre, je n’étais qu’en région, en R1, chez les garçons. En tant qu’assistante, les perspectives d’évolution sont bien plus larges. »
Ce parcours vers la reconnaissance est confirmé par Cyril Gringore, ancien arbitre assistant devenu arbitre vidéo : « Il était plus difficile de se faire un nom à l’époque. J’ai donc décidé de me tourner vers la filière assistant. J’ai fait ma demande en 2002. Tout s’est déroulé rapidement : deux ans en National, deux ans en Ligue 2, et en 2006, j’étais en Ligue 1. » Son premier match s’est déroulé à Marcel-Picot, lors d’un Nancy-Monaco (1-0), qui était une belle affiche à l’époque. « C’était une expérience inoubliable, » se remémore-t-il, évoquant sa première collaboration avec Freddy Fautrel. « Même si je n’avais pas encore réalisé l’ampleur de ce que cela impliquait. »
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La Synergie d’un Trio
Nicolas Danos, qui a officié lors du dernier affrontement entre Brest et Nice, évoque son intégration dans le monde de l’arbitrage comme le fruit d’un défi. « Au départ, c’était un pari entre amis (Nassim, Guillaume et lui). Nous avons décidé de nous lancer dans l’arbitrage. La passion et le plaisir du jeu nous ont rapidement captivés… et progressivement, j’ai gravi les échelons. Mes amis ont choisi d’arrêter après quelques années, mais j’ai continué. Lorsque j’ai atteint la Ligue, une opportunité s’est présentée pour devenir arbitre assistant, ce qui offrait davantage de possibilités. J’ai donc opté pour ce rôle. » Il a débuté sa carrière avec Christian Guillard avant de collaborer avec Clément Turpin, son partenaire actuel. « Un de nos souvenirs les plus marquants, c’est notre expérience au Pérou. » Lors d’un match de barrage pour la qualification au Mondial 2018, opposant le Pérou à la Nouvelle-Zélande, il se remémore : « Étant donné l’enjeu et l’intensité, c’était le match le plus impressionnant. Quand les Péruviens ont marqué, toute la foule a sauté en même temps, provoquant même une légère secousse sismique. Nous étions conscients de l’importance de l’événement, et les agents de sécurité portaient tous le maillot du Pérou. »
Cyril Gringore, également présent, partage ce sentiment. « C’était le plus beau match que nous ayons officié, et notre performance a été remarquable. L’atmosphère dans le stade était incroyable, une expérience inédite. À l’époque, nous n’avions pas la VAR. Dans les dernières minutes, nous avions la conviction d’avoir bien arbitré. » Ces moments restent gravés dans leur mémoire collective. Il est intéressant de noter que les arbitres travaillent souvent avec les mêmes coéquipiers, que ce soit sur le terrain ou dans leur vie personnelle. « Je suis en dixième saison avec Bastien Dechepy, souligne Brice Parinet. Mon objectif est de continuer à exceller à ses côtés et avec notre autre assistant, Julien Haulbert. Nous avons une excellente entente en dehors du travail. Avant de vérifier notre compatibilité technique, il est crucial de s’assurer que nous nous entendons bien humainement, car nous passons beaucoup de temps ensemble. Parfois, je vois Bastien plus que ma compagne. »
Un Agenda Chargé et des Performances Sportives
Le quotidien de ces arbitres est particulièrement intense. Cyril Gringore continue d’exercer en tant qu’arbitre vidéo tout en étant le référent des assistants en Ligue 2. Camille Soriano, quant à elle, jongle avec une autre activité professionnelle, où elle est responsable de la qualité dans une entreprise agroalimentaire. « Avoir une autre occupation me plaît, cela renforce mes liens sociaux, confie Camille. J’ai d’autres ambitions. L’arbitrage est une carrière éphémère, et les blessures peuvent survenir à tout moment. » Brice Parinet, en pleine forme, a pris un congé de cinq ans de l’Éducation nationale, qu’il peut renouveler. « J’étais enseignant en histoire-géographie dans un collège en REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé, NDLR). En plus de mon rôle d’assistant, je gère bénévolement le District des Yvelines, ce qui demande beaucoup de temps. Nous avons 48 500 licenciés, 10 employés, 3 alternants et 120 bénévoles. C’est comme une petite entreprise. »
Sur le plan financier, être arbitre, qu’il soit central ou assistant, s’avère être un bon investissement. Un assistant de première catégorie en Ligue 1 peut s’attendre à une indemnité de préparation de 4 666 euros par mois, en plus de 1 646 euros par match. « Nous avons un bon niveau de vie, et gagner sa vie en faisant ce que l’on aime, c’est inestimable », déclare Ludovic Genest. « Cela permet d’assurer un certain confort de vie, ajoute Nicolas Danos. Je reste cependant prudent, car la carrière ne dure pas éternellement, et je ne fais pas de dépenses superflues. Les arbitres arrivant au stade en Ferrari, ce n’est pas pour moi pour l’instant. (Rires.) »