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Vous auriez pu envisager une aventure incroyable. Quitter la capitale française, qui se retrouve presque déserte (douces rêveries des nuits estivales) durant ces deux semaines sacrées, pour explorer des destinations comme la Manche, le Rhin ou les Alpes… Ainsi, vous avez été contraints de suivre les compétitions sur des chaînes britanniques, allemandes ou italiennes. Surtout, vous avez raté la diffusion des Jeux Olympiques de Paris 2024 sur France Télévisions : une surabondance de « France » (le chauvinisme à son paroxysme), et très peu de « télévision » (le sport dans toute sa splendeur). « La France se concentre sur elle-même, comme à son habitude, a récemment déclaré Théo Klimm, correspondant de Der Spiegel en France. Pour une fois, cela se fait de manière positive. Pour une fois, elle est véritablement au centre du monde. »
Dans cette ambiance de célébration du patriotisme, vous avez peut-être opté pour une solution encore plus audacieuse : mettre un océan entre vous et la France. Par exemple, en Amérique du Sud, où les chaînes de télévision s’intéressent à toutes les nations du continent, du nord au sud. Au minimum, une trentaine de pays. Les chaînes chiliennes, par exemple, se réjouissent des victoires de Julien Alfred de Sainte-Lucie (100m femmes en athlétisme), de la Brésilienne Beatriz Souza (judo, +78 kg) ou du parcours des volleyeuses dominicaines. Elles diffusent également des sports qui n’ont qu’un impact limité dans leur pays, comme l’escrime, le handball ou le water-polo. Comme vous, elles ont également remarqué qu’il y avait 206 délégations présentes en France et non une seule.
Chauvinisme à la française
Le phénomène du patriotisme sportif à la sauce France Télévisions n’est pas nouveau, avec des commentateurs qui s’expriment bruyamment sans toujours être pertinents. En 2004, obsédés par la performance de Mehdi Baala sur le 1500m, finalement 4e, ils avaient omis de mentionner la victoire d’Hicham El Guerrouj, l’un des plus grands milers de l’histoire, après huit ans de malchance aux Jeux. Depuis, ils ont affiné leur approche franco-française et… leurs bavardages incessants. Peut-être sommes-nous un peu durs, car ils s’intéressent aussi aux stars internationales (Team USA, NBA, Simone Biles, Armand Duplantis, Alcaraz, Nadal et Djokovic…) tant qu’elles sont « bankables ». Que saura-t-on des athlètes chinois qui seront couronnés à Paris ? Mijaín López Nuñez, le lutteur cubain en gréco-romaine, qui a remporté cinq médailles d’or depuis Pékin 2008, sera à peine mentionné. En 2016, à Rio, la tenniswoman portoricaine Mónica Puig, qui a émergé des ombres avant d’y replonger à cause de blessures, avait battu quatre joueuses du Top 10 avant d’offrir la première médaille d’or olympique à son pays, sans que cela n’émeuve la presse française.
Bien sûr, le pays de Chateaubriand et des frères Karabatic ne détient pas le monopole du chauvinisme et de la « préférence nationale », mais l’absence d’une culture sportive élémentaire est frappante. En parallèle du service public, le quotidien sportif préféré des Français, obsédé par le clic, ne parle plus que des succès des athlètes français, même le moindre céiste en 32e de finale est forcément « en route pour la finale ». Avec le même conformisme, les médias généralistes (télévision, radio, presse écrite) ont découvert la magie des Jeux (tant mieux) et l’obsession du tableau des médailles qu’ils scrutent sans relâche. « Miroir, ô mon miroir, dis-moi… » Peu importe que beaucoup n’y comprennent rien, cela crève souvent les yeux, seul l’amour du Bleu compte, et attention à ceux qui ne partagent pas cette ferveur. En politique comme dans la foi, et donc dans le patriotisme, les derniers convertis sont souvent les plus intolérants.
Il y a une semaine, Claude Onesta, actuel manager général de la haute performance à l’Agence nationale du sport, ancien entraîneur multi-titré de handball et ancien professeur de sport, a exprimé un point de vue différent : « Le sport de haut niveau n’a pas de valeur intrinsèque. S’il ne s’agissait que de récolter des médailles, cela ne vaudrait pas la peine de passer quarante ans de sa vie à ne pas dormir juste pour accumuler des breloques. »
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Les Enjeux des JO : Réflexions sur la Culture de la Victoire
Dans le cadre des clubs sportifs, l’objectif est de transformer les jeunes talents en véritables champions. Parallèlement, il s’agit d’accompagner les athlètes dans leur développement personnel, afin qu’ils deviennent des individus mieux préparés à vivre en société.
Politique, Sport et l’Art de la Défaite
Depuis l’ère de Jacques Chirac, les présidents français semblent privilégier les moments de gloire sportive, se mettant en avant aux côtés d’une France triomphante, en opposition à ceux qui, selon la rhétorique actuelle, ne représentent rien. En décembre 2017, le président a rappelé aux handballeuses leur devoir de succès après leur victoire mondiale, en déclarant : « Reposez-vous bien, car l’année prochaine, nous avons un événement majeur à domicile [l’Euro, NDLR]. Je tenais à vous rencontrer, car il est impératif que nous remportions ce titre. » Ainsi, pour ce dirigeant, il suffirait de porter le maillot bleu et d’avoir la volonté pour décrocher des titres internationaux. Cependant, dormir seulement quatre heures par nuit, comme il l’affirme, ne constitue pas une méthode d’entraînement reconnue.
Après les Jeux de Tokyo en 2021, le président a exprimé des idées controversées, évoquant des concepts issus d’un libéralisme débridé tels que le « pacte de performance » et la « cordée du sport ». Lors d’une rencontre avec les médaillés à l’Élysée, il a déclaré : « Les résultats sont là, mais il reste des marges de progression. Le bilan de ces Jeux n’est pas à la hauteur de nos attentes. Nous devons être honnêtes sur nos performances. »
Au cours de son mandat, la Macronie a fait de la récupération politique une stratégie essentielle. Après les bons résultats des sports collectifs aux JO de Tokyo, Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Éducation, avait tweeté : « Vive le sport collectif ! Le succès de nos équipes de France de BHV témoigne de la qualité de l’enseignement de ces disciplines à l’école. » Cependant, il a rapidement été critiqué par le joueur Evan Fournier. Récemment, des figures politiques comme Attal, Oudéa-Castéra et Darmanin se sont également affichées aux côtés des médaillés, espérant capitaliser sur leur succès, bien que leur gouvernement ait récemment subi des revers électoraux.
Les Jeux Olympiques, célébrés tous les quatre ans, représentent un retour à l’enfance et une source de joie renouvelée. Ils offrent une occasion d’apprendre sur le monde et de découvrir des disciplines souvent méconnues, comme le volley-ball, le judo, le VTT, le BMX, le water-polo, et bien d’autres. Paris, en tant qu’hôte de ces JO, a su offrir un cadre exceptionnel avec des sites magnifiques et une cérémonie d’ouverture inédite sur la Seine. Des milliers d’enfants seront inspirés à rejoindre des clubs sportifs, même si tous ne deviendront pas des stars, ce qui pourrait déplaire à certains parents. Dans un pays où les élites ont souvent eu du mal à accepter l’importance du corps, c’est déjà un pas en avant.
La France, avec sa nature bipolaire, a connu un moment de solidarité nationale après des mois de tensions. L’édition de la Coupe du Monde de 1998 a marqué un tournant, établissant le culte de la victoire comme norme dans le sport. Le romantisme des perdants a disparu, et les Olympiques ne tolèrent plus l’échec. Les footballeuses françaises, par exemple, n’ont pas le droit d’être éliminées par le Brésil, qui a pourtant battu les championnes du monde espagnoles. De même, les handballeurs, qui avaient remporté quatre médailles (3 en or et 1 en argent), ont été critiqués après leur élimination en quarts de finale. Les réactions en ligne témoignent d’une incompréhension fondamentale : pour espérer gagner, il faut parfois accepter de perdre.
Et si ces athlètes olympiques français avaient choisi le football ?