Pour commencer : tu as eu l’opportunité d’assister à la cérémonie d’ouverture sur le bateau de la délégation française. Quelle a été ton expérience de ce moment unique ?
J’avais déjà participé à une cérémonie dans un stade lors des Universiades à Naples en 2019, et c’était vraiment exceptionnel. Cette fois-ci, sur la Seine, l’incertitude était de mise. En sortant, j’ai réalisé à quel point c’était une idée géniale. Bien que la météo n’ait pas été de notre côté, cela n’a pas terni l’événement. Évidemment, nous n’avons pas tout vu depuis le bateau, mais naviguer à travers Paris était tout simplement splendide. L’atmosphère était incroyable, cela a insufflé une belle énergie à tous les athlètes français. Un autre avantage, c’est que nous avons moins eu à marcher, ce qui a rendu l’expérience moins épuisante. Il y avait aussi un sentiment de soulagement : après des années de travail acharné, nous étions enfin là.
Comment se déroule la vie au sein du village olympique ?
C’est colossal, je ne m’attendais pas à une telle ampleur. C’est comme une petite ville, avec un supermarché, une boulangerie, tout est à portée de main, c’est incroyable. Les matelas en carton sont bruyants, mais je crois qu’ils étaient déjà utilisés à Tokyo, donc je ne comprends pas trop. Personnellement, je dors assez bien dessus, ce n’est pas un problème. Concernant la restauration, ce n’est pas de la haute gastronomie, mais ce n’est pas le but non plus, et la qualité de la nourriture est tout à fait acceptable.
Est-ce que côtoyer de près les meilleurs athlètes français te fait ressentir quelque chose de particulier ?
C’est indéniablement impressionnant, même si j’avais déjà eu l’occasion de les voir à l’INSEP. J’ai croisé Andy Murray, par exemple. Pour partager une anecdote, quand j’étais petit, mes parents m’emmenaient voir des matchs de volley, et j’étais un grand fan de Jenia Grebennikov, surtout à l’époque où son père entraînait Rennes (Boris Grebennikov a dirigé le REC puis le Rennes Volley de 2000 à 2014, NDLR). Le matin où je l’ai croisé au petit-déjeuner, c’était un moment spécial, je lui ai dit que je l’avais vu jouer étant plus jeune, c’était sympa. Voir des sportifs comme Teddy Riner ou Florent Manaudou, qui ont déjà remporté des médailles aux Jeux, est tout aussi motivant, et leur enthousiasme est contagieux.
La cérémonie d’ouverture a également révélé l’admiration des athlètes pour Zinédine Zidane.
J’ai eu la chance de croiser Zidane de près à trois reprises en une semaine : une fois lors de la cérémonie, une autre pendant le match de Félix, et il est également venu au bâtiment France, où nous avons pu prendre des photos avec lui. C’est une véritable légende, et son apparition a fait l’unanimité. C’était génial qu’il soit présent pour soutenir le ping. À un moment, j’ai même pensé que Félix avait remarqué sa présence, car il menait 3-0 et l’autre joueur est revenu à 3-3 (lors du huitième de finale contre l’Allemand Dimitrij Ovtcharov, NDLR). J’ai eu peur qu’il ressente la pression, mais en réalité, il ne l’avait pas vu. Il était juste derrière moi, et je ne voulais pas me retourner pour ne pas créer de malaise. Les autres m’ont dit qu’il avait vraiment vibré pendant le match.
— Simon Gauzy (@GauzySimon) 1 août 2024
Comment expliques-tu l’enthousiasme du public à l’Arena Paris Sud lors des matchs des frères Lebrun ?
C’est un phénomène assez général. J’ai eu la chance d’assister à des événements de rugby et de volley, et l’ambiance était également incroyable. Cependant, au ping, nous n’avions jamais connu une telle ferveur. Bien que Paris ait accueilli les Mondiaux en 2003 et 2013, l’atmosphère était différente, même si j’ai entendu dire que l’ambiance en 2003 était mémorable. L’engouement autour des frères Lebrun était palpable, les spectateurs étaient impatients de les voir à l’œuvre. Les Français sont souvent très fiers de leurs athlètes et aiment les encourager. Quand les quatre tables étaient en action simultanément, je ne sais pas comment les autres pouvaient se concentrer, surtout quand Alexis ou Félix jouaient, je pense qu’ils n’entendaient même pas le bruit de la balle. C’était incroyable, je n’avais jamais entendu un tel vacarme dans une salle de ping.
Qu’as-tu ressenti en voyant Félix décrocher cette médaille de bronze historique ?
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Une expérience inoubliable. Observer Félix, âgé de 17 ans, se relever après sa défaite en demi-finale, c’est tout simplement incroyable. Il a démontré une maturité impressionnante face à un adversaire qui avait déjà battu son frère, et contre lequel il avait subi deux lourdes défaites précédentes. Sa force mentale ne cesse de m’étonner. Il a parfaitement maîtrisé son sujet du début à la fin. Je suis convaincu qu’il sera prêt dès 20 heures pour l’épreuve par équipes, car il souhaite ardemment offrir cette médaille à ses coéquipiers. C’est un résultat fantastique pour un jeune homme exceptionnel.
En dehors de ces Jeux Olympiques, il se passe quelque chose d’important autour de votre discipline avec les frères Lebrun. Penses-tu que cette dynamique va perdurer ?
Avec seulement 17 et 20 ans, leur ascension est assurée. Le circuit est diffusé sur RMC, et de nombreuses personnes le suivent également sur YouTube. De plus, les frères Lebrun sont des individus très simples et sympathiques, ce qui les rend d’autant plus attachants. Ils sont reconnus partout, que ce soit au village olympique ou à l’extérieur, ils sont devenus des stars ! Cela n’était pas arrivé depuis Jean-Philippe Gatien d’avoir des athlètes aussi populaires. Ces deux jeunes hommes ont la tête sur les épaules et sont bien entourés. C’est formidable qu’ils soient ceux qui mettent notre sport en lumière.
En tant que remplaçant de l’équipe de France pour ces JO, tes chances de jouer sont minimes. Si l’on devait faire une analogie avec le football, cela ressemblerait à la situation d’Alphonse Areola à l’Euro ? Quel est ton rôle dans cette équipe ?
Exactement, ma mission est de les soutenir jusqu’à ce qu’ils entrent sur le terrain. Je dois les préparer au mieux, les motiver. Les deux frères sont de redoutables compétiteurs, ils adorent établir des défis lors des entraînements. Ils sont toujours à fond, ce n’est pas un souci. Bien qu’ils soient plus forts que moi, j’essaie de les challenger au maximum et de leur donner du fil à retordre. Ce n’est pas toujours évident, mais parfois j’y parviens. Contrairement aux championnats du monde ou d’Europe, où nous sommes sur le banc en tant que remplaçants, ici, je serai probablement en tribunes pour les matchs par équipes. C’est un peu frustrant, c’est dommage.
Quel sentiment t’envahit entre la frustration de ne pas pouvoir participer activement à un match et la joie d’être présent aux JO ?
Bien sûr, en regardant depuis les tribunes, je trouve cela magnifique et j’aimerais être sur le terrain. Cependant, je suis réaliste, les trois joueurs devant moi étaient hors de portée, c’était irréaliste. Il y a trois ans, je subissais une opération de la hanche pendant les Jeux de Tokyo, donc j’étais très loin de cette réalité. Je n’étais même pas dans le top dix des pongistes français, je n’aurais jamais imaginé être ici aujourd’hui. Tout a évolué rapidement ces dix-huit derniers mois, je n’avais pas été sélectionné en équipe de France avant 2023. Être numéro quatre est déjà un bon objectif atteint, et j’espère un jour pouvoir intégrer le trio de tête.
Quelle place occupe le football dans la vie quotidienne des pongistes ?
Actuellement, il n’y a pas beaucoup de matchs. Simon (Gauzy) est un grand amateur de sport, il soutient Toulouse. Alexis est fan de l’OM, tandis que Félix est pour l’OL, mais aucun d’eux n’est aussi passionné que moi pour le Stade Rennais. Nous avons nos petites taquineries et faisons des paris amicaux. Je me souviens qu’aux championnats du monde 2022, j’avais parié avec Félix que nous finirions devant Lyon, et c’est exactement ce qui s’est passé (Rires.) Malheureusement, je n’ai pas eu de chance la saison dernière.
Comment parviens-tu à suivre le Stade Rennais entre tes tournois et tes déplacements ?
Il est rare que je sois en France pendant un mois entier, comme c’est le cas en ce moment. Le plus compliqué, c’est lorsque je suis à l’étranger. Je ne veux pas rater un match. J’essaie de m’adapter, surtout en Asie, où le décalage horaire fait que les matchs se déroulent la nuit. Par exemple, lors des Mondiaux en Corée en février, j’ai regardé AC Milan-Rennes en replay le lendemain, sans connaître le score. Il m’arrive de faire cela pendant mes vols : je désactive toutes mes notifications et les réseaux sociaux. J’ai fait cela pour un match contre Monaco qui se déroulait pendant un vol entre Singapour et Paris. Je n’ai pas rallumé mon téléphone à l’atterrissage et j’ai directement regardé le replay en rentrant chez moi.
Quelle est l’origine de ta passion pour le Stade Rennais ?
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Un Passionné de Sport : Entre Football et Tennis de Table
Mon intérêt pour le sport provient principalement de mon grand-père, qui réside près de la Piverdière. Il m’a souvent emmené assister aux entraînements, et j’ai également eu l’occasion de me rendre au stade. Bien que j’ai toujours voulu jouer au football, mes parents n’étaient pas très enthousiastes à cette idée. J’ai donc commencé par pratiquer le tennis de table et le volley-ball. J’ai eu la chance d’assister à toutes les finales de la Coupe de France au stade, ma première expérience remontant à 2009, lorsque j’avais seulement 8 ans, lors du match contre Guingamp. Depuis 2016, je me suis installé à Paris pour m’entraîner à l’INSEP, ce qui m’a permis de voyager pour voir des matchs. Mon premier déplacement a eu lieu à Arnhem en 2021, une expérience que j’ai adorée, notamment grâce à l’ambiance dans les tribunes. Depuis, j’ai eu l’opportunité d’assister à des matchs à Lorient, Reims, Troyes, Metz, Monaco, et je suis chanceux d’avoir mon club à Thorigné-Fouillard, près de Rennes, ce qui me permet de voir six ou sept matchs par an au Roazhon Park.
Un Adieu Éprouvant : Le Départ de Martin Terrier
Sur X, tu as mentionné que le 18 juillet 2024 était un « jour sombre » en raison du départ de Martin Terrier. Tu as même reproduit sa célébration des fléchettes après une victoire. Es-tu son plus grand admirateur ?
Effectivement, j’ai réalisé sa célébration lors des championnats du monde pendant un match de poules ! C’était un moment prévu, et j’avais demandé à un membre de la communication de la Fédération de le filmer, ce qui était vraiment sympa. Terrier a partagé cette vidéo sur les réseaux sociaux, et j’ai même reçu un maillot dédicacé à mon retour en France. C’est un joueur exceptionnel, tant sur le terrain qu’en dehors. Je suis convaincu qu’il méritait sa place pour la Coupe du monde 2022. Après son retour d’une grave blessure, la saison dernière a été plus difficile pour lui, mais je suis persuadé qu’il va briller sous la direction de Xabi Alonso dans un grand club comme Leverkusen. Nous allons retrouver le grand Martin Terrier. Cependant, avec toutes les rumeurs de départs à Rennes, je ressens une certaine inquiétude pour la saison à venir.
La célébration de @jules_roll35 en hommage à Martin Terrier 🎯
Une belle surprise pour tous les supporters du @staderennais ❤️🖤 #TeamFrance 🇫🇷 pic.twitter.com/zPXpsR5fEF
— Fédération Française de Tennis de Table (@ffttofficiel) February 19, 2024
Les Émotions du Sport : Défaite aux JO vs Départ de Bourigeaud
Qu’est-ce qui te toucherait le plus : une défaite lors d’un match aux JO ou le départ de Benjamin Bourigeaud ?
C’est une question difficile (Il rit.) Une défaite aux JO me toucherait profondément, c’est quelque chose de personnel. En revanche, même si je commence à m’y préparer, le départ de Bourigeaud serait un coup dur. J’ai l’impression que ce moment approche de plus en plus. C’est un véritable modèle pour moi. Si seulement il pouvait terminer sa carrière à Rennes, je signerais immédiatement. J’apprécie énormément sa mentalité, il se bat toujours et donne le meilleur de lui-même.
Rencontres Sportives : Un Pont entre le Tennis de Table et le Football
En tant que pongiste originaire de Rennes, as-tu eu l’occasion de rencontrer des joueurs de football ou d’établir des liens avec le club ?
Malheureusement, je n’ai pas eu cette chance. J’ai échangé quelques messages avec Martin Terrier, et un partenaire de mon club m’a invité à quelques matchs. Cependant, cela se comprend, il y a de nombreux sportifs dans la région rennaise, même si j’aimerais vraiment les rencontrer.
Les Compétences Sportives : Foot et Tennis de Table
Penses-tu que le fait d’être footballeur peut offrir des avantages pour exceller au tennis de table, comme c’est le cas au tennis ?
Les athlètes de haut niveau ont tendance à assimiler plus rapidement les compétences d’autres sports. Certains footballeurs excellent au tennis ou au padel, mais les déplacements sont différents. Le tennis de table, à un niveau élevé, peut être très rapide. J’ai vu des vidéos à Clairefontaine où le niveau est correct, mais à un niveau départemental, c’est déjà impressionnant (Il sourit.) Ce serait intéressant de voir comment ils se débrouillent. Beaucoup pensent pouvoir nous défier ou marquer quelques points (Il rit.) Les gens ne réalisent pas la complexité de notre sport, car à la télévision, les subtilités ne sont pas toujours visibles. J’ai lu un article fascinant dans le New York Times, où le basketteur NBA Anthony Edwards a affirmé qu’il pouvait marquer un point contre l’équipe américaine de ping. On entend souvent ce genre de commentaires, mais c’est comme tout : si je me retrouvais sur un terrain de football à la place de Bourigeaud, je serais complètement perdu et je ne performerais pas du tout.
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(Il éclate de rire.) Si jamais ils se retrouvent face à nous, il sera extrêmement difficile de nous marquer un point !
Les Jeux Olympiques nous plongent dans une multitude d’émotions, même pour des disciplines que nous suivons moins habituellement. Cela ne souligne-t-il pas le fossé grandissant entre les joueurs et les supporters dans le monde du football ?
Effectivement, les séances d’entraînement se déroulent presque toujours à huis clos de nos jours, ce qui est regrettable. Lorsque j’étais enfant, j’adorais assister aux entraînements pendant les vacances et voir les joueurs à leur sortie, c’était une expérience incroyable. Cependant, je comprends aussi que ce n’est pas simple pour eux d’être constamment sollicités, même si c’est naturel de vouloir interagir avec le public. Je remarque cela avec les Lebrun, qui sont toujours entourés de fans dès qu’ils quittent la salle de ping-pong. Les athlètes ont également besoin de moments de calme dans leur vie personnelle.
Après avoir passé deux semaines dans l’effervescence des JO, appréhendez-vous le retour à la vie quotidienne ?
Pour être franc, cette pensée m’obsède de plus en plus ces derniers jours. Le retour à la routine va être étrange, tant ce que nous vivons ici est exceptionnel. Je n’ai aucun regret, j’ai pleinement profité de chaque instant et je compte continuer à le faire jusqu’à la fin. J’ai saisi toutes les opportunités qui se sont présentées à moi.
Rennes, un saut vers l’inconnu
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